Thursday, May 10, 2007

Le Journal Intime


Quand j'étais plus jeune, je ne désirais qu'une chose. Découvrir la cachette où, ma soeur de 10 ans mon aînée, déposait soigneusement son journal intime, loin du regard des indiscrets sans scrupules. Mes recherches furent intenses, organisées, parfois décevantes mais non vaines. Je l'avais enfin entre les mains, j'allais enfin découvrir un monde qui m'était interdit à mon âge. Un monde de baisers volés, de luxure capitonnée, de désirs inavouables, de mensonges coquins, de plaisirs niais. Bref, je pensais rentrer dans le tête d'une fille de 20 balais. Et finalement, c'était repoussant mais drôlement attirant.
Et là, en tournant les pages de ce manuscrit de mauvaise qualité, je me suis pris au jeu. Les mots jouaient de double-sens, les sens étaient doublement en alerte. Chaque histoire crystalisait plusieurs couches de mélodies et d'espoirs. Les phrases m'entrainèrent dans un ouragan de gentillesse et de moments volés. Je ne pensais pas que ma soeur pouvait écrire des choses comme ça. Elle était ma grande soeur donc ce devait être futile, bête, sans intérêt...les propos d'une fille quoi. Et là je découvrais des tranches de vie d'une complexité inouie, tout en étant accessibles et mignonnes. Un petit moment de bonheur caché aux yeux du monde.
Alors, moi, déjà un peu punk dans l'âme, je me suis dit que les histoires n'avaient pas forcèment à être choquantes ou provoquantes. Je compris alors que l'on pouvait être remué par une mélodie sucrée, une phrase anodine mais motivante, un élan de simplicité mais finalement d'une complexité amusée. Une ouverture d'esprit à 10 ans, ça ne se remplace pas. J'ai compris que les mots, même les plus simples, étaient d'une force incroyable. Et que les petites histoires font les grands souvenirs.
Mais bon, ça ne m'a empêché de faire du punk jusqu'à l'âge de 17 ans. Comme quoi, quand on est jeune, on reste quand même un peu con et provocateur. Je gueulais 'I wanna see your face in the toilets' avec mes copains du collège. Et la vraie vie, c'était ça.
Mais maintenant je comprends mieux pourquoi ce moment était si important. En tout cas, je crois comprendre.
(Andrew Bird - Armchair Apocrypha - Fat Possum)

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