Je viens de tirer sur la sonnette. Il est absolument impossible de se tromper: la musique est à fond, le bruit des verres et des bouteilles qui s'entrechoquent s'entend depuis la rue, les ballons ornés d'un puissant 'Bon Anniversaire' donne à la maison un aspect de chou à la crème quelque peu écoeurant. Bref, c'est la teuf. En plus, j'ai sous le bras le cadeau qui va la rendre heureuse, un truc qui vient de sortir et que j'ai soigneusement emballé dans un papier doré qui va forcèment donner aux autres cadeaux un rôle secondaire dans le script de la soirée. Elle m'ouvre la porte, elle est...elle est...bref, elle est elle. Je la désire depuis tellement longtemps. Après les bisous de bienvenue, les 'Fais comme chez toi' et les 'Tu connais, Bruno, je suis au Club de Bridge avec lui', je me rends jusqu'au bar pour mieux me lancer sur la piste de danse quelques minutes plus tard. Le moment est important, presque cérémonial. Je m'envoie une vodka orange sans sourciller (en essayant de ne pas sourciller) et je me lance dans une imitation approximative de groupes de rock à la mode, surfant sur les différentes musiques comme sur les différentes époques. Je suis le master...enfin c'est comme ça que je le vois.
La lumière s'éteint. Le gâteau arrive et on va ouvrir les cadeaux. Elle va tomber dans mes bras. Ce soir, c'est mon soir. Le papier doré éclabousse toute la pièce de ses éclats surréalistes. Elle l'a remarqué et prend mon paquet dans ses bras parmi les premiers. Je m'approche de façon désinvolte, laissant clairement l'impression qu'il s'agit de MON cadeau. Elle déchire le papier avec rage, elle ecartèle le carton avec classe. Et là, elle s'écrie au moment où la musique s'arrête 'C'est trop fort, c'est génial je veux dire, c'est même complétement incroyable. Tu me connais trop bien. Ma mère m'a offert le même hier.'
Retour au bar. La musique reprend. 'Putain, sa mère.'
(The Bravery - The Sun and The Moon - Island)