Range Ta Chambre

Du chaos semble naître la créativité. C'est ce que semble nous faire croire de nombreux penseurs émérites et méritants. Pour moi, il s'agit plutôt de propos de gens qui veulent être au firmament sans se gêner d'une organisation abusive, d'une rigueur du jugement. Les éclats de rire, les créations non finies, les couleurs qui éclaboussent. Il est clair qu'il est plus simple de faire son show et de croire que tout cela nous amènera célébrité et pérennité.

Les plus jeunes sont forcément partisans de cet état d'esprit. D'où une société un peu malade de la célébrité sans talent. Ou comment se faire repérer alors qu'on est comme les autres. C'est sûr que ça amuse. Je suis le premier à le dire. Tout le monde se gausse à l'unisson, on passe d'excellents moments, on se rapproche des gens avides de légéreté.

De là à dire que le papillon va nous créer un putain de bordel à l'autre bout de la planète, je demande à voir. Mais en tout cas, ce papillon est ambitieux et c'est ça qui nous fait délirer.
Allez, maintenant, range ta putain de chambre.

(Flight of the Conchords - Flight of the Conchords - Sub Pop)

Street Opera

La voix de tenor déchire une nuit sauvage. Un violon vient se blottir dans le creux d'une histoire de gamin des rues. Une montée épique préfére prendre l'escalator du métro. Un cavalier prend d'assaut les tours de la banlieue Nord. La mélodie se cale sur les battements du RER méconnaissable à cause des tags. La beauté se discerne derrière une poubelle en feu. Le talent n'a pas peur des cadors de la drogue. La simplicité se parfait des embrouilles quotidiennes des gamins à l'abandon. La cadence enfantine ne peut plus avoir peur de la violence adulte. Les mots qui rassurent s'entendent du fin fond des cours abandonnés.

Quand tout s'oppose, c'est l'osmose qui se bat. Il se dégage alors la magie d'un instant qui durera pour un bon moment.

(The Last Shadow Puppets - The Age of Understatement - Pias)

A Bout de Souffle

Il court, il court. Il court vite, mais après quoi. Ou plutôt il court pour quelles raisons? En général, on court pour échapper à quelque chose qu'on n'apprécie guère. On court parce qu'on vient de commettre l'irréparable. On court parce qu'on préfére oublier. On court pour se sortir d'une embrouille. Bref on court souvent de quelque chose.

Et on y met toute l'énergie du désespoir. On y met toute la brutalité de sa peur. On y place toute la force d'un homme seul mais fort. Et même si on parfois on essaie de ralentir un peu, c'est plus fort que soi. On se remet à courir.

(Phantom Planet - Raise The Dead - Atlantic)

Le Grand Bleu

Les repères ne sont plus les mêmes. Léviter de justesse. De calme. Ou encore de maladresse. Le monde est bleu. On le savait déjà. Mais les bleus oscillent. Les profondeurs s'amusent avec les nuances. Le cri du silence est lanscinant, donnant à mon voyage le goût du surplace. Je voudrais vivre ici. Je voudrais mourir dans ces strates de vide différents.

Le temps semble long. Mais en fait il s'est arrêté. Tout devient statique et mouvant dans une même oscillation. Les paroles sont diffuses. On susurre. On chuchotte pour ne pas déranger. On s'immisce sans bouger. On revient de loin mais on ne va nulle part.

Tout est bleu. Mais le bleu se délave. Tout devient fâde. Tout devient même. Tout devient ce que vous avez en tête. Le monde s'adapte et s'oublie. Il peut continuer de tourner.

(M83 - Saturdays=Youth - Mute)

Rien d'Autre

Il ne nous faut pas grand chose, à nous, les gars comme moi. Nous n'écoutons pas les donneurs de leçons. Nous savons que nous ne sommes pas les meilleurs. Nous ne voulons pas être ce que les autres avaient décidé pour nous. Nous voulons simplement en prendre plein la vue. Nous voulons être tranquilles et pouvoir choisir plein de trucs différents. Nous voulons envahir la baraque et mettre le bordel pendant que les parents sont au boulot. Nous n'attendons qu'une chose. Qu'on arrête de nous juger, qu'on nous laisse bouger, qu'on nous laisse prendre le meilleur de nos aînés et en faire de la soupe pour jeunes.
Enfin bon, jeunes, c'est un bien grand mot. Nous les trentenaires, on veut simplement que la fête continue même si le feu sacré s'est évanoui dans les couches-culottes et les impots locaux. On veut continuer à casser la baraque.

(Supergrass - Diamond Hoo Ha - Astralwerks)

Le Ventre de l'Architecte

La maison est ruinée par les vents glaciaux qui l'envahissent depuis de trop nombreuses années. Les portes bancales répondent mollement aux fenêtres grelottant de froid au coeur de l'hiver. Les tapis sont éventrés, les tentures sont déchirées, les escaliers ne donnent que sur une surface indescriptible mélant lugubre et peur. Il ne fait pas bon s'aventurer dans cet amas de ruines et de désespération, le jardin ouvrant sur une cacophonie de verts en toute liberté.
Mais le coeur de l'endroit veut s'emballer. Il bat lentement mais lutte pour se réchauffer. Une vraie douceur vient équilibrer la froideur des pierres victimes de l'Histoire, victimes de leur propre histoire. La mécanique laisse place à une chaleur, une émotion qu'un tel endroit fût en peine de créer depuis longtemps.
Le froid et l'humidité sont omniprésents. L'esprit tente de vaincre cette ambiance bleutée et glaciale. Une goutte. Des gouttes. Des larmes.

(Potishead - Third - Island)

Dans Ma Chambre

Devant le miroir de ma chambre, devant lequel je donne de grands coups de riffs sur ma guitare imaginaire, je suis un autre. J'accepte peu de monde dans mon antre. Je n'accepte que ceux qui ont vraiment quelque chose à dire. Les copains du lycée qui acceptent de refaire le monde avec moi en écoutant de la musique très fort. On se marre bien et surtout on parle de tout ce qui nous énerve dans la vie.
L'augmentation du prix des places de cinoche, les meufs qui veulent jamais se faire entrechoquer nos appareils dentaires, les parents qui réduisent les sorties et qui hurlent au scandale en voyant nos petits mulets pousser derrière nos oreilles. Mais nous on est rock'n'roll alors, dans ma chambre, tout le monde a la droit à la parole. Mais, par respect, aucune attaque directe ne peut être proférée. C'est une question de principe.
On peut vouloir changer le monde sans pour autant le détruire.

(The Kooks - Konk - Astralwerks)

Le Tout Pour Le Tout

Les couleurs les plus criardes sont-elles les plus appréciées? Les paroles les plus incendiaires sont-elles les plus assimilées? Les bruits les plus grinçant sont-ils les plus perceptibles? Les personnes les plus envahissantes sont-elles les plus visibles? Les décisions les plus ridicules sont-elles les plus suivies? Les enfants les plus turbulants sont-ils les plus aimés? Les conseils les plus hâtifs sont-ils les plus convaincants? Les maisons les plus mal rangées sont-elles les plus humaines? Les souvenirs les plus douloureux sont-ils les plus tenaces? Les villes les plus assourdissantes sont-elles les plus mémorables?
Parfois oui. Le plus souvent oui.

(Man Man - Rabbit Habits - Anti)

A Double Tranchant

Le succès est une belle chose. Savoir être reconnu par les siens pour quelque chose qu'on a créé de ses propres mains, se pâmer devant le travail bien fait, accomplir ce pourquoi on a toujours rêvé, ne plus se considérer comme inutile, distiller des traits d'humour à travers un message consistant, faire partie des discussions entre les jeunes du quartier et d'ailleurs.

Mais d'ailleurs, de qui parlent-ils, ces jeunes dans le bus? Ils se ressemblent tellement tous maintenant. J'ai du mal à faire la distinction dans la bouche de ceux qui en parlent. Ils ne voulaient plus être des numéros mais tous acceptent de faire partie d'une liste de chiffres un peu trop longue.

(Young Knives - Superabundance - Transgressive)

Soeurs Siamoises

Nées à jamais sous les mêmes auspices, et le même soleil, elles ne peuvent imaginer grandir sans l'autre. Le monde ne fait qu'un et évolue à peine. Le monde c'est l'autre. L'enfer c'est l'autre aussi. Mais se tourner le dos reste un exercice douloureux et passager. Alors on ravale son venin qu'on partage de toute façon.

Le monde ne fait qu'un. Le monde c'est l'autre. En fait, le monde n'évolue pas car le centre d'attention reste ce bout de femme accroché à jamais à son corps consentant. Le temps n'a pas d'emprise. Les modes n'évoluent pas. Les références sont celles de l'autre...et vice-versa. Alors on avance en boîtant mais on avance.

Du coup, on double la mise. Et on donne deux fois plus. Même si parfois la différence les fait s'écarter de la lumière. La différence est indémodable. L'étrange est captivant.

(The Breeders - Mountain Battles - 4AD)

La Route Est Longue

Nous le savons tous. La vie est trop courte mais s'avère souvent d'une langueur monotone. Surtout vers la fin, quand les jours se suivent et ne prennent pas le temps de se rendre intéressants. Alors, le tirades de l'automne prennent un sens funeste que personne ne veut regarder en face. La solitude est une plaie ouverte sur le monde devenue introspectif. Tout semble s'arrêter dans un souffle, une parole grave que seul le coeur peut entendre. Encore faut-il l'empêcher de s'arrêter de battre

(Sun Kil Moon - April - Caldo Verde)

Porter La Culotte

La vie de couple. Rien de simple, toute relation a son lot de tourments et de particularités. Alors quand nous retrouvons un couple au beau milieu de la nuit, tout est possible. Entre perversité et romantisme torturés, les affaires ne sont pas simples. Il y a osmose à l'heure où toutes les chattes sont grises. Il y a aussi du bordel dans leur tête. Tout se mèle dans une mélancolie et une noirceur apparemment salvatrice. Le couple se déchire, se crache dessus mais tout cela semble leur être plutôt salvateur.
Et le pire, c'est qu'on donnerait tout pour y assister. Sans vidéo volée, sans 'Sex Tape', l'imagination fait office de guide. Tout cela est extrèmement excitant. C'est un délice.
Et tout le monde est d'accord. La vraie perversité, c'est de s'échanger la même culotte en permanence, même si elle est sale. Hmmmmm...

(The Kills - Midnight Boom - Domino)

Le Bolide Dans Le Garage

Il commence à faire beau et le quartier résidentiel dans lequel je tue ma jeunesse commence a s'animer. Apres quelques négociations qui ont quand même duré une éternité, le Pater a accepté de me passer LES clefs. Mon rêve de gosse. Le moment ou je vais pouvoir me la jouer allègrement. Conduire la Pontiac 80's de mes parents, je l'ai attendu depuis si longtemps.
Un nuage de poussière se soulève quand je sors le bolide du garage - et c'est pas à cause du gravier. Elle a un peu de mal à se libérer. Je pousse sur le champignon mais je n'ai pas l'excitation tant esperée. L'érection tant attendue est discrète. Et les suspensions, les roues, bref, la bagnole assure peu dans les virages. J'ai l'impression que je vais embrasser le décor a chaque carrefour.
Et puis, tout a coup, une belle ligne droite me fait un clin d'oeil. J'ai l'impression que c'est elle que j'ai vue depuis si longtemps. Elle me hante depuis presque 10 ans. Et là, le pied, ça carbure.
Je renais d'entre les morts.

(REM - Accelerate - Warner Bros)

Même Pas Peur

Pas peur du noir. Pas peur des fantômes. Pas peur du ridicule. Pas peur de la répétition. Pas peur de la hype. Pas peur de l'intuition. Pas peur des cauchemars. Pas peur de l'amitié. Pas peur de la facilité. Pas peur du dédoublement de personnalité. Pas peur du temps qui passe. Pas peur du travail. Pas peur de la simplicité. Pas peur du don de soi. Pas peur des séries Z. Pas peur des opportunités. Pas peur des hackers. Pas peur des machines. Pas peur de l'Europe. Pas peur des catastrophes. Pas peur des comparaisons. Pas peur des imbéciles. Pas peur des incompréhensions. Pas peur de choquer. Pas peur de décevoir. Pas peur de le foule. Pas peur des idoles. Pas peur de la chute. Pas peur des prochaines étapes.
Juste peur des autres.

(Miss Kittin - Batbox - Groove Attack)

En Faire Trop ou Pas Assez

La séduction forcée est souvent pathétique. Cela se comprend qu'être seul depuis un bout de temps érode le peu de confiance en soi mais il ne faut pas tomber dans la volonté de plaire à tout prix.
Moderne mais pas trop, romantique mais pas trop, baroudeur mais pas trop, bling-bling mais pas trop, curieux mais pas trop, rigolo mais pas trop, franc mais pas trop. Bref un peu de tout mais pas trop.
Cela amène notre charmant séducteur à s'aventurer dans une multitudes de positions dans lesquels il ne se sent pas vraiment à l'aise. Du coup, on change de sujet toutes les deux minutes pour ne pas se laisser attraper par de possibles défauts pouvant devenir flagrants.
Une course-poursuite s'engage auprès de celui ou celle que l'on désire séduire. Mais le souffle tourne court.

(Adam Green - Sixes & Sevens - Rough Trade)

Un Arbre

Il est impressionnant, cet arbre, au creux d'une montagne somptueuse et sous une pluie battante. Ses branches prennent de l'espace, on a l'impression qu'il prend tout l'oxygène alors que c'est tout le contraire. Il est massif, il est ancien, il en a vu des mecs comme moi, simples contemplateurs de passage. Il en a même vu revenir pendant de longues années, les rassurant tous sur la force de l'immobilité. Le vent fait vibrer quelques feuilles mais il est tellement touffu et que tout revient calme en un seul clin d'oeil.

Tout semble donc vieillir tranquilement jusquà s'approcher du tronc aux rides et aux fossettes témoignant d'une époque maintenant révolue. Des traces de sang et de plumes abîmés viennent troubler la beauté de l'instant. La plainte, les difficultés, les battements d'aile poussifs sont perceptibles dans ces traces morbides.

On comprend très vite que tous les oiseaux ne se cachent pas forcément pour mourir.

(Counting Crowes - Saturday Nights & Sunday Mornings - Geffen)

La Révolte des Faibles

Point de longues phrases ennuyeuses. Point de concept allambiqué pour rallier le plus grand nombre, du moins, ceux qui le comprennent. Point de débat d'idées sulfureuses que personne n'arrive vraiment à allumer. Tout le génie du monde ne pourra faire mieux que la simplicité des gens d'en-bas.
Les faibles ne s'engourdissent pas de bon procédés. Ils agissent. Ils tapent du pied. Ils chantent haut et fort leur désespoir et leur espoir. Ils utilisent les mots qui débarquent directement de la rue. Ils utilisent la passion, l'énergie, la gentillesse et parfois la roublardise des gens sans grade. Ils ne se revendiquent de personne mais se sentent tributaires de tous. Les faibles sont le terreau des rebellions les plus communes et les plus efficaces.
On espère une seule chose. Que les faibles restent simples car c'est là qu'ils sont les plus forts.

(Raconteurs - Consolers of the Lonely - Warner Bros)